The dwarf empire est une exposition basée autour du travail de la photographe Sanne de Wilde et présenté jusqu’au 11 Juillet dans un nouveau lieu dédié à la photographie contemporaine: le petit espace. Sa direction artistique est assurée par Carine Dolek, oeuvrant depuis plusieurs années pour la promotion de la jeune photographie européenne avec l’association Fetart et le Festival Circulation(s).
Diplômée du KASK -Académie Royale des Beaux Arts de Gand- en 2012, lauréate du Young Promising Photographer award des Nikon Press Photo 2013, Sanne de Wilde est une jeune photographe aussi prometteuse que sympathique.
The dwarf empire?
L’empire des nains est un parc d’attraction chinois fondé en 2009, employant une centaine de personnes de petite taille. Ces derniers animent le parc avec une pluralité de spectacles: danse, parodies, contes de fées, avec des costumes dont notre oeil retient surtout l’extravagance, le drapé et le kitsch.
Nourrie et logée, la communauté du dwarf empire vit dans le parc à plein temps. Chaque nain a une fonction sociale déterminée, dans une micro-société régie par un « empereur » dressé à la manière d’un empereur de la Chine impériale.
Qu’est donc venue chercher la photographe lorsqu’elle a décidé de passer 15 jours dans le parc à thème suite à l’obtention de son visa tourisme ?
C’est encore Sanne de Wilde qui en parle le mieux: « Je me suis embarquée dans l’aventure munie de mes questionnements sur la commercialisation de l’action sociale. Chaque médaille a son revers, mais là-bas, chaque question et chaque réponse semblaient se contredire. Mon aventure se transforma en un moderne anti-conte de fée, une collection de photographies de ma réalisation, et des leurs, mon propre tour se retournant contre moi. »
L’anti-utopie que nous propose à voir la photographe est en effet dérangeante: la photographe esthétise son questionnement, tournant autour du voyeurisme et de l’exhibition, de l’acceptation de l’autre et de la diversité (culturelle, physique,…).
Le travail de Sanne de Wilde dans le parc comporte des approches complémentaires et notamment, une série des portraits des employés-habitants de l’empire des nains dans leurs logements et dans leurs habits d’apparats, une réflexion visuelle sur les notions d’espace public (Jurgen Habermas) et d’espace privé.
Un travail qui interroge notre rapport à l’oeil, au regard et à la perception: que voyons-nous? Quels référents faisons-nous entrer en jeu lorsque nous posons nos yeux sur un sujet tel que l’empire des nains? Comment se construit notre jugement à partir des signaux que nous envoient nos sens?
Une démarche aux inspirations plurielles
Toute la richesse des travaux visuels de Sanne de Wilde est de s’inscrire dans un dense réseau de références contemporaines, historiques, littéraires et culturelles, dont nous allons tenter de vous dresser un rapide aperçu (non exhaustif):
> Les masques: lorsque l’on observe attentivement les portraits dressés par Sanne de Wilde, comment ne pas penser au masque ? Masque social, masque grec, masque de la commedia dell’arte, le masque se décline et prend ici une nouvelle symbolique. Masque de ces nains assignés à un rôle de représentation, masque du divertissement, masque du visiteur du parc d’attraction, masque du spectateur regardant les photographies de la série The dwarf empire.
> Le grotesque et le kitsch: Le grotesque fait souvent appel à des sujets bizarres, extravangants et fantastiques. Le kitsch se base sur une accumulation et un usage éclectique de caractères considérés comme triviaux et passés de mode.
The dwarf empire, alliance du grotesque et du kitsch? Nous laisserons le spectateur en juger.
> La télé-réalité: voyeurisme, zoo humain,… des termes qui viennent assez facilement à l’esprit lorsqu’on observe les photographies de Sanne de Wilde. La photographe questionne l’esthétique et les fondements de la télé-réalité, sans l’interface écran. Dans le parc, pas de distance entre les protagonistes du spectacle humain et les spectateurs. Une distance recréée avec la photographie, medium remplaçant en un sens certain la télévision, moteur et support des reality shows.
> Spectacle & divertissement: l’exemple des mini-miss. Nous aurions pu choisir de faire un parallèle entre Disney et the dwarf empire, nous avons pourtant privilégié les concours de mini miss. Les échos entre les deux démarches sont nombreux: petitesse, kitsch des costumes, maquillage outrancier, rôle imposé. Comment ne pas établir une comparaison entre le rôle social assigné à un nain et le rôle de représentation donné à une mini miss (coiffée, habillée et entrainée à paraître comme adulte et être d’apparat) ?
Autant de questions pour vous signifier que The dwarf empire est le coup de coeur de Photophores du mois de Juin. A découvrir jusqu’au 11 juillet au petit espace.
Informations pratiques:
Exposition The dwarf empire – Sanne de Wilde
Du 23 mai au 11 juillet – du jeudi au samedi de 14h30 à 19h
Le petit espace – 15 rue Bouchardon – Paris 10e
Sébastien Appiotti
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